Programme 2017

Séance n°2

Last update: 11 May 2017

Séance n°2 : Atouts et limites d'une coopération culture élevage dans les territoires

Le 14 février 2017 à Montpellier SupAgro, campus de la gaillarde, bat 22, salle 71

Deuxième session organisée par Gilles Martel (INRA UMR BAGAP) et Jean-Philippe Choisis (INRA, UMR DYNAFOR).

De nombreux auteurs considèrent aujourd’hui que les Systèmes de Poly-Culture Elevage (SPCE) ont des atouts pour faciliter la gestion durable des écosystèmes par l’agriculture et ainsi réduire ses externalités négatives : diminution de l’emploi des intrants par un bouclage des cycles du carbone et de l’azote via l’intégration cultures-élevages, maintien d’une diversité d’assolements et de paysages, résilience des exploitations face aux aléas économiques et climatiques, offre d’une diversité de produits et de services dans les territoires et, en particulier pour les pays du Sud, la valorisation des résidus de culture ou encore la disponibilité d’une force de travail animale. Les atouts des SPCE peuvent être déclinés à différentes échelles, de la parcelle au territoire.
Dans le cadre de ce séminaire permanent nous nous focaliserons sur des approches mobilisant plusieurs exploitations. Nous verrons ainsi un cas d'étude en France autour de l'assolement en commun pour permettre la culture d'une production végétale spécifique au sein d'exploitations d'élevage ainsi qu’une gestion collective des effluents d’élevage via la méthanisation (Andréa Gabriel). Pascal Bonnet présentera comment, en Egypte, les éleveurs ont mobilisé leurs relations sociales pour accéder à de nouveaux territoires agricoles. Mais nous verrons aussi, avec John Regan, que la mise en œuvre d'une coopération entre agriculteurs d'un territoire n'aboutit pas toujours aux systèmes vertueux qui étaient espérés. Marc Moraine nous proposera ensuite une façon de caractériser les différentes formes d'interactions culture élevage à l'échelle du territoire et Olivier Therond nous soumettra une grille de lecture de la co-existence des systèmes de polyculture élevage selon les modalités de mise en marché et d'utilisation d'intrant. Enfin Sandie Boudet apportera un éclairage juridique sur les modalités d’échanges entre agriculteurs.

La plaquette

La plaquette de la Séance n°2

Compte rendu

Les présentations

10h00 Andréa Gabriel (Agronome) : Durabilité et résilience de l'intégration culture – élevage à l'échelle territoire : Assolements en communs et méthaniseurs, des médiateurs vers des systèmes plus durables ?

La mise en réseau des agriculteurs à l’échelle des territoires, et en particulier l’interaction entre culture et élevage est supposée avoir un effet sur la durabilité. Deux cas d’études contrastés, et présentant des interactions supposées importantes, ont été choisis. Le premier cas étudié est la Cuma de Guizerix, dans les Hautes Pyrénées, qui consiste en un réseau d’agriculteurs partageant le matériel, et travaillant ensemble leurs terres sous la forme d’un assolement en commun. Le second cas est le Projet Bel Air, dans la Vienne, où un groupe d’agriculteurs a mis en place un élevage ainsi qu’un méthaniseur en commun. Les résultats mettent en évidence que les coopérations étudiées participent à augmenter la durabilité économique et sociale des exploitations. La mise en place des projets s’est traduite par une augmentation de la diversité des cultures et de la satisfaction au travail. Mais les projets se sont aussi traduit par une augmentation de l’utilisation de produits phytosanitaires, ainsi que par une baisse de l’autonomie financière. Du point de vue collectif, les très fortes disparités observées entre systèmes de production montrent que les coopérations sont perçues comme étant au service d’une diversité de projets individuels, et n’entraînent pas de réelle transition sociotechnique globale à l’échelle du réseau. Par ailleurs, les deux projets étudiés s’appuient sur un développement de structures sociétaires ainsi qu’un accroissement de la part du travail salarié. Ceci nous pousse à nous interroger sur l’impact de ces coopérations sur le modèle de l’agriculture familiale.

10h30 Pascal Bonnet (Géographe), Véronique Alary, Slim Saïdi : Ressources territoriales polycentriques, Réseaux sociaux et Institutions pour l’adaptation dynamique de l’élevage au changement climatique - Une illustration par l’adaptation de l’élevage agropastoral bédouin en Egypte, dans la région côtière du Nord-Ouest

Le bassin méditerranéen est confronté à d'importantes pressions naturelles et humaines et constitue un hot spot du changement climatique. L’élevage de ruminants y a toujours joué un rôle structurant de l’espace et de l’économie des ménages, notamment grâce à sa capacité d’adaptation aux conditions difficiles (adaptation des races, mobilité..). Les travaux du projet ELVULMED (ANR) ont permis de comprendre comment les différents systèmes d’élevage et de polyculture-élevage de la zone bédouine et côtière du Nord-Ouest ont pu s’adapter à 10 ans de sécheresse et le rôle relatif de l’élevage dans la réduction de la vulnérabilité à l’échelle des ménages et du territoire. Les travaux ont montré comment l’élevage, d’abord au cœur d’un réseau social tribal de partage des ressources pastorales très territorialisé, a pu évoluer en transformant les caractéristiques des systèmes de production, en mobilisant d’autres ressources territoriales encore non exploitées, en étendant la coopération territoriale avec des populations d’autres zones agricoles et en recourant plus au marché.

11h15 : John Regan (Agronome) : Intégrer des productions laitières et végétales grâce à la coopération entre fermes voisines. Une étude de cas européenne

L'objectif général du projet CANtogether (Crops and ANimals together) était de concevoir, tester et évaluer des systèmes territoriaux agricoles mixtes innovants basés sur la production simultanée de cultures et d'animaux. À l'aide du réseau existant d'études de cas du projet, il a été réalisé une évaluation des stratégies déjà mises en place par les agriculteurs européens pour intégrer ensemble les productions laitières et végétales au-delà du niveau de l'exploitation. En comparant les exploitations qui intègrent cultures et élevage grâce á une coopération entre exploitations (par exemple, l'échange local de matières ou la location de terres entre les exploitations laitières et arables) avec celles qui ne coopèrent pas, il a été possible d'identifier les avantages et les inconvénients des systèmes d'exploitation respectifs. L’étude a montré que les stratégies de coopération génèrent moins d'avantages environnementaux qu’espéré.

11h45 : Echanges sur les atouts et limites de la polyculture-élevage à l'échelle du territoire sur la base d'une lecture de Claire Cerdan (Géographe)

14h05 : Marc Moraine (Agronome) : Réintégrer culture et élevage à l’échelle territoire : une typologie des initiatives existantes

Au-delà des incitations politiques et des archétypes dessinés par les chercheurs, les complémentarités culture – élevage entre exploitations spécialisées correspondent aussi à des réalités de terrain. Observées dans différents collectifs d’agriculteurs, à plus ou moins grande échelle, d’intensité variable  en volumes de produits échangés, en régularité des échanges, en stabilité de la relation partenariale, ces réalités sont plurielles. Afin de mieux connaitre la diversité des initiatives d’intégration culture – élevage à l’échelle territoire existantes, et d’approcher leurs impacts sur les systèmes de production, nous en avons élaboré une typologie qualitative. Elle est basée sur l’étude de 65 projets de collectifs d’agriculteurs repérés par des canaux institutionnels (projets Casdar, GIEE). Neuf types ont été identifiés dont six relevant réellement d’intégration culture – élevage à l’échelle territoire. Les objectifs structurant ces initiatives et les impacts potentiels sur les exploitations et territoires s’inscrivent tous dans une logique de durabilité, d’inscription forte de l’agriculture dans le dynamisme et l’activité du territoire. Ils s’appuient sur une dimension identitaire du lien au territoire, avec des récits associés allant de la compétitivité et la création d’activité économique au développement autonome des systèmes de production. L’identification de ces types d’initiatives peut ouvrir sur des pistes d’accompagnement par les acteurs des territoires et du développement agricole, et les pistes d’appui par les politiques publiques.

14h35 : Olivier Thérond (Agronome) : Diversité des modèles d’agriculture: application au système culture-élevage

Dans la quête d'une agriculture plus durable, on assiste à un foisonnement d’initiatives : écoagriculture, permaculture, agriculture biologique, de précision, intégrée, de conservation, climato-intelligente... La plupart de ces termes englobent une grande diversité de pratiques agricoles ou systèmes de production présentant des performances environnementales et socio-économiques différentes. D’autres classifications décrivent des formes potentielles d’agriculture durable via l’utilisation de concepts tels que « intensification écologique » (ou durable), « agroécologie », mais les principes sur lesquelles elles reposent sont multiples, ambiguës et souvent redondants. En outre, la plupart de ces classifications ne considèrent pas explicitement les interactions des systèmes de production avec leur environnement socio-économique à l'échelle locale, régionale ou mondiale.
L'objectif de cette présentation est de présenter un cadre d’analyse des formes génériques d'agriculture durable définies comme un type biotechnique de système production et son environnement socio-économique. Dans une première partie, nous présentons les clefs de caractérisation des formes d’agriculture selon la nature des intrants que les systèmes de production agricole mobilisent et selon leur niveau d’insertion dans les systèmes alimentaires globalisés ou d’intégration dans des dynamiques territoriales. Dans une deuxième partie, sur la base de ces deux clefs, nous définissons six modèles  archétypaux d’agriculture et les systèmes de polyculture associés. Les grandes questions de recherche en agronomie spécifiques et transversales à ces modèles agricoles sont rapidement présentées.Le cadre d’analyse des formes d’agriculture, les formes d’agriculture identifiées et les questions de recherche associées sont issues d’une revue de littérature et analyse conduites par un groupe de travail du Département Environnement et Agronomie de l’INRA regroupant Michel Duru, Guy Richard, Jean Roger-Estrade et Olivier Therond.

Diversité des formes d’agriculture (11 Mo)

15h05 : Anne Brunet (Agronome) : Approche juridique des relations contractuelles entre exploitants

Face aux limites de la spécialisation des systèmes de grandes cultures et d'élevage, une nouvelle complémentarité à bénéfices réciproques entre les systèmes pourrait être une des solutions d'avenir. Il s'agit de recréer un système pour une agriculture plus durable, multi-performante à l'échelle des territoires et non plus seulement au sein des exploitations. Le projet CASDAR CER’EL, qui a associé 14 partenaires entre 2013 et 2016, s’est intéressé au-delà des questions techniques et économiques, aux ressorts sociologiques, organisationnels et juridiques de cette nouvelle forme de complémentarité territoriale.
Sur le volet juridique, le projet a permis d’identifier les freins et leviers aux relations de coopération, sur des questions telles que la contractualisation et l’établissement des prix, la prise en compte des zones de risques et de partage, la formalisation des relations céréaliers-éleveurs. Un guide juridique a été élaboré autour de deux axes : la commercialisation des produits agricoles et la mise en commun des moyens de production. Cet outil présente la réglementation et les points de vigilance, et propose des solutions pratiques pour pérenniser et sécuriser les relations au travers de contrats ou de sociétés. Le passage par l’écrit ne constitue cependant pas une condition sine qua non de la réussite de la coopération, mais plutôt un aboutissement. Le conseil reste primordial pour s’assurer que les parties dialoguent sur leurs besoins et contraintes, aient le point de vue le plus complet possible de la situation et puissent trouver un accord sur cette base.

Last update: 11 May 2017